Un siècle et demi au service de la forêt vaudoise.
Il y a 150 ans, une poignée de forestiers, convaincus qu’on ne pouvait continuer à piller impunément la forêt, se réunit et fonde la Société vaudoise de sylviculture. On était en pleine disette, on courait à la pénurie de bois.
Formés à l’étranger, fourmillant d’idées et nourris d’une vision du futur, ils empoignent les problèmes d’une forêt exsangue, chacun de son côté. C’est lors des réunions et des excursions que les contacts et les échanges d’expériences entre collègues mettront en place les principes de la sylviculture moderne.
Tout est à créer, de l’élaboration des lois forestières à leur mise en application par des propriétaires souvent réticents, en passant par la constitution d’un corps forestier, les premiers aménagements de forêt, la production des plants nécessaires aux reboisements et la formation des " gens de terrain ".
Le diplôme de forestier-bûcheron sanctionnera bientôt les multiples connaissances nécessaires au métier et les gardes forestiers passent du statut de simples surveillants à celui de professionnels dotés d’un savoir et d’un savoir-faire.
En même temps que les sciences forestières s’affirment, les techniques évoluent : la scie devenue tronçonneuse se mue bientôt en récolteuse mécanique, le cheval cède sa place au tracteur de débardage, supplanté à son tour par le porteur. En montagne, le chablage est remplacé par le câble-grue voire par l’hélicoptère. A la réduction de la peine de l’homme s’allie son efficacité.
On a reboisé à tour de bras et la forêt reprend de son embonpoint grâce à plus d’un siècle d’efforts et de gestion parcimonieuse imposée aux propriétaires. Aujourd’hui, elle s’est refait une santé et s’accroît avec une vigueur formidable : jamais les forêts n’ont regorgé d’une telle richesse !
Si l’enjeu d’hier était le combat contre la pénurie, aujourd’hui c’est la menace d’une pléthore vieillissante qui mobilise les forestiers.
Que faire de cet exceptionnel capital de bois – dont on recommence à découvrir l’intérêt – et comment répondre aux nouvelles attentes multiples et souvent contradictoires de la société envers la forêt ?
Comme il y a 150 ans, les professionnels traduisent à nouveau ces demandes en actes de sylviculture : mieux que quiconque, ils savent créer une ambiance forestière propice au bien-être du promeneur, éduquer des peuplements solides assurant protection, façonner des structures variées offrant refuge à la faune et à la flore sauvages tout en fournissant une matière noble par excellence, le bois.
Même la demande récente de développement durable rejoint celle de rendement soutenu, principe sacré au nom duquel chaque forestier de ce pays jure depuis plus d’un siècle sa fidélité à la forêt.
Aujourd’hui comme hier, il est indispensable de former et d’informer, d’expliquer et de convaincre que la réalité impatiente du court terme ne correspond pas à l’échelle temporelle de la forêt. Cet engagement continu est poursuivi avec la même foi et le même enthousiasme que celui qui animait nos prédécesseurs, en tenant compte des modifications profondes de la société. Ainsi, le " projet pépinières " d’antan engageait les écoliers vaudois à élever et à produire de manière concrète les innombrables plants nécessaires à la reconstitution des boisés. Il trouve son pendant dans le projet du même nom destiné aux écoles d’aujourd’hui pour faire connaître la forêt sous forme ludique.
Oeuvrer dans la continuité, n’est-ce pas là l’essence même de la profession forestière ?
Cela demeure la mission première de la Société vaudoise de sylviculture. Les coups de cœur de ses membres vous en persuaderont.
André Joly (Président de 1998-2016)